Brève histoire des bateaux en béton armé

petit cargoIl faut tout de suite dire qu’il ne s’agit pas ici de bateaux en ferrociment, mais de bateaux en béton armé. La différence n’est pas de forme. Le ferro est constitué d’un fin maillage de grillage, étalé en plusieurs couches et imprégné de ciment ; sa structure est homogène et chaland 2souple. Il a connu un certain succès en plaisance. Le bateau en béton est, au contraire, rigide, massif, renforcé par une forte armature de métal, crago suede 3en tout point comparable au béton de nos maisons. La différence est notable.
• L’invention du béton armé revient à Joseph-Louis Lambot, un horticulteur (!) dont le premier ouvrage fut… un bateau ! modeste certes, mais bateau quand même. Il est connu sous le nom de « barque de Lambot » (1). En faisant sa barque Joseph-Louis  inventait du même coup – et vraisemblablement sans le savoir – un matériau qui allait révolutionner (un peu) l’architecture navale et (profondément) l’architecture tout court. Il est Français, petit cocorico s’il vous plaît.
• Une fois inventé, le béton armé (breveté en 1855) fut l’objet de nombreuses recherches dans toutes sortes d’applications, dont, bien entendu la construction navale. Les ingénieurs de tous les grands pays s’intéressèrent au matériau qui ouvrait de nouvelles perspectives. Cela se passait à la veille et durant la Première guerre mondiale, où l’on cherchait à économiser l’acier réservé à d’autres usages… On imagina des bâtiments de guerre en béton, sans grand succès. Pendant le conflit, des péniches en béton de 1 000 t, britanniques et américaines transportèrent armes et munitions vers la France. On envisagea (l’a-t-on fait ?) de faire des chalands-hôpitaux pour ramener les blessés vers l’arrière. Après le conflit, en 1918 fut lancé aux USA le Faith de 3 500 t et 10 cm d’épaisseur de coque ; dans la foulée l’Angleterre lançait l’Armistice de 2 500 t, l’Allemagne l’Amoeneburg pour le transport sur le Rhin ; en 1919 les Américains mirent à l’eau le Selma de 7 500 t (133 m de long, épaisseur de coque de 7 cm avec agrégats légers) ; on en aurait construit une quinzaine pour un total de 72 000 t. En France, en 1921 une douzaine de quilles furent mises en chantier sur les idées du  célèbre ingénieur Freyssinet.
• Et puis, entre les deux guerres, soudainement, tout s’arrête, comme si le béton se spécialisait dans la construction d’habitations et ouvrages de travaux publics. On ne construira que peu de navires par la suite, excepté quelques péniches, encore visibles aujourd’hui, comme l’église flottante Je Sers à Conflans-Sainte-Honorine. D’aucuns y voient la concurrence du soudage à l’arc (apparu fin XIXᵉ) et qui se développa rapidement pour l’assemblage des coques métalliques (années 30).
• Le béton devait réapparaître durant la Seconde guerre ; les alliés utilisèrent d’énormes pontons de béton, les Phoenix (65 m x 18) qui, coulés sur place, servirent de brise-lames aux ports artificiels de Vierville et Arromanches lors du débarquement. Par la suite, l’usage du béton armé dans la construction navale restera confidentiel. C’est alors qu’en 1948, (certains disent en 1942) l’ingénieur italien, Luigi Nervi, inventa le ferrociment, qui est un tout autre matériau ; il devait faire le bonheur de quelques tourdumondistes dans les années 60/70. Mais ceci est une autre histoire…
Cyrano
• Images – En haut, un petit chalutier de 31 m construit en Allemagne vers 1930 ; au centre un chaland de 43 m destiné au trafic sur la Seine entre Le Havre et Paris ; en bas, un cargo suédois (45 m environ) de 1 000 t.  Tous en béton armé.
(1) Voir nos billets du 18 novembre 2008 et du 5  juin 2009.

3 Réponses to “Brève histoire des bateaux en béton armé”


  1. 1 Pierre Livory 16 juillet 2013 à 19:28

    Tous ces architectes et constructeurs semblent avoir eu comme prédécesseurs quelques évangélisateurs celtiques comme Bendan, qui naviguaient dans des auges en granite ! Le sculpteur Jean Yves Menez en a reconstitué une en 2009, da 4 m de long.

  2. 2 Pierre Livory 16 juillet 2013 à 20:49

    Ce n’est pas Bendan bien sûr, c’est Brendan … vous aurez tous corrigé !

  3. 3 Ausilio Del Prado 30 juillet 2013 à 20:51

    génial cet article


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