Le tabou du lapin : et si on en reparlait sérieusement ? (suite)

lapin1Après le premier témoignage sur le tabou de « la bête » (voir notre billet du 22 avril) en voici un second qui suggère une autre explication.
Un chercheur du CNRS a décortiqué la croyance et débusqué des concordances pour le moins imprévues. Il constate d’abord que le lapin est effectivement un creuseur-fou qui passe la moitié de son temps à forer son terrier. Il pourrait tout aussi bien ronger les bordés, les percer, avec toutes sortes de conséquences déplorables pour la flottaison… L’autre moitié de son temps, le lapin fornique. C’est même un obsédé sexuel prolifique dont la descendance aurait vite fait de surcharger la barque au point de l’envoyer par le fond. Voilà deux bonnes raisons de s’en méfier. Ce n’est pourtant qu’un avatar. En explorant cette sexualité exubérante le chercheur a découvert un lien traditionnel entre le lapin et la femme ; plus précisément le sexe de la femme qui en est le symbole. Allons bon ! Historiquement, dans les “Mille et une nuits” le pubis  est lelapin sans oreille, (hum…) ensuite dans le langage de jadis le connil (re-hum…) , d’ailleurs le dictionnaire le dit « le lapin a une lèvre fendue verticalement… », pas besoin de dessin. Aujourd’hui, ce n’est sûrement pas par hasard que le magazinePlay Boy a choisi une bunny comme emblème ; et les expressions « chaud lapin » et « mère lapine » prennent ici tout leur sens…
L’auteur, Michael Houseman, qui s’appuie sur une documentation considérable, donne des arguments et des citations que je ne vais pas vous infliger ici pour ne pas alourdir le propos. Essayons plutôt d’y voir clair.
Il aborde le sujet en croisant des représentations  apparemment sans rapport, mais qui, selon lui, construisent sa théorie ; il fait un rapprochement entre des symboles venus du fond des âges, en l’occurrence le signifiant de la femme et celui du lapin.
Tentative d’explication.
C’est le coup de la cascade : le lapin est fécond, il ne pense qu’à ça, c’est son tort, il prolifère et va couler le bateau (première représentation) ; la femme aussi est féconde, mais seulement à terre, en mer elle ne sert à rien. C’est du diable en lest, un chasse-poissons, une intrigante, vaguement sorcière qui porte la poisse (deuxième représentation) ; on ne veut ni de l’un, ni de l’autre. C’est sur ce pivot sexualité/fertilité que l’auteur construit son hypothèse. D’un côté il faut une certaine chance pour faire bonne pêche, mais il faut aussi que le poisson soit nombreux donc fertile ; de l’autre il ne faut en rien que la marche du bateau, la vie du bord, le bon déroulement de la campagne ne soit entravée par un maléfice quelconque. Le bouc émissaire – tout trouvé – est double : la femme et le lapin. La boucle est bouclée, si ce n’est toi… c’est elle.
Et ça continue. Les hommes d’église, qui portent la robe – c’est louche – sont assimilés à la femme : rien à faire sur un bateau ; en plus ils ont prononcé des vœux qui les rendent, en principe, non féconds (troisième représentation). Et par glissement, les magistrats aussi, même s’ils sont aussi féconds que les autres, toujours à cause de la robe, (quatrième représentation). On n’en finirait pas…
Voilà comment cet homme de science s’explique le tabou du lapin et par la même occasion celui de la femme. Un tabou qui serait apparu dans la Marine de Pêche (quand ?) puis propagé aux autres Marines, jusqu’à la Plaisance. Et s’il y a des choses qui restent encore obscures dans cette affaire, il faut revenir à notre précédent billet où Maurice Yvart rappelle qu’il faudrait être sorcier pour pénétrer ces mystères qui nous dépassent un peu. Mais qui l’est encore ?
Aramis
Source : Le tabou du lapin chez les marins – Ethnologie française Avril/Juin 1990 – Michael Houseman, CNRS-Université Paris X. Armand Colin éditeur.

1 Réponse to “Le tabou du lapin : et si on en reparlait sérieusement ? (suite)”



  1. 1 Superstition. Plus de houache que de sillage… « Escales Maritimes Rétrolien sur 24 février 2012 à 11:48

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