• Où Kerdubon découvre les vertus du sucré-salé – Nous avions fêté les 25 ans du navire qui suite à dérogations, venait de passer avec retard sa visite des 24 ans imposée par la société de classification. Nous étions tout juste sortis de la cale sèche de Casablanca, port voisin et ami du Sultanat du Baroque son voisin. Mes directeurs venus tout exprès, de Dar Sawda, avaient vu d’autant plus grand, qu’ils encaissaient dans leurs poches profondes, les bakchichs du shipchandler, rejoignant ceux des différentes entreprises ayant travaillé sur le navire pendant les 15 jours précédant la visite. Evidemment, cette pratique qui n’avait pas lieu au Maroc, étonnait les responsables de ces chantiers. Après la réception, il restait donc beaucoup de bonnes choses remisées dans la chambre froide pour le champagne, et la chambre à légumes pour les buffets salés ou sucrés. Comme d’habitude, mon chien qui était resté bien sage, m’avait signalé au fur et à mesure de leur arrivée, les invités qui m’aimaient bien en agitant doucement sa queue, et ceux qui me détestaient en leur souriant de sa dentition découverte. Il n’y avait rien de nouveau sous mon soleil. Puis nous sommes allés à Dar Sawda charger pour le Nord de l’Europe. Je savais que les autorités portuaires ne seraient pas tendres à mon égard, vu qu’elles n’avaient pas été invitées à Casablanca. La Boîte ne pouvait tout de même pas payer le déplacement à ces Barroquins !
– La susceptibilité des uns est parfois cher payée par les autres Kerdubon !… affirma Ernest, un habitué du banc des menteux qui avait navigué longtemps au Maroc.
– Bien que non responsable de la casse du vase de Soissons, ceux qui n’étaient pas Francs… du collier le payèrent très cher en effet !… Donc pour mettre de l’huile dans les rouages, j’avais fait sortir les bonnes choses, et mon maître d’hôtel avait pour consigne de ne pas laisser un verre vide. Ces messieurs préféraient d’ailleurs le whisky sec… au champagne, la goutte de vin est maudite… dit le Coran. Arrivèrent la police, la douane, la santé, la capitainerie, les lamaneurs, et les water-clarks. Leurs pensées à mon égard étaient telles que le chien devenait furieux au fur et à mesure de leur entrée, au point que je dus l’enfermer dans ma chambre avant qu’il ne se calme, et que je puisse le réintroduire, ce qui calma également mes visiteurs agressifs. Je remarquais que les porteurs d’uniforme n’ôtaient pas leur casquette plus ou moins galonnée. Le caviar, le saumon, les crevettes et les poissons fumés partirent comme si une baleine avait ouvert la gueule. Les pâtés de poulet et autres fausses charcuteries, suivirent le même chemin. Aziri mon maître d’hôtel faisait la navette du bureau à l’office. Il amena les pâtisseries, cornes de gazelles et autres douceurs plus ou moins crémeuses, et quelqu’un me réclama un document qui était resté dans un tiroir de ma table dans ma cabine. Laissant la porte ouverte, je fouillais dans les tiroirs lorsque le chien vint m’avertir qu’il y avait quelque chose qui ne lui semblait pas normal. J’ai pensé qu’il exagérait et je suis revenu dans le bureau. Il me désignait clairement les deux officiers de port. Les pâtisseries avaient disparues ! Ces messieurs se levaient et prenaient la direction de la sortie. Il ne restait que ces officiers de port. Passant un bras sur leurs épaules comme s’ils étaient de bons amis, je les conduisis à la porte, et arrivé au surbeau, leur donnai une forte tape sur la casquette. La crème anglaise et chantilly s’écoula du front sur leurs joues. « Pour que vous ayez une telle sueur, il faut avoir apprécié mes gâteries ! »… leur dis-je.
– Tel est beaux Messieurs, mon rapport des propos sucrés salés de Kerdubon
Signé : Planchet
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