Comme quoi, n’importe qui pouvait être marin…

carte 3 matsC’est dans le port de Shanghai que serait née au XIXᵉ siècle, une pratique qui allait se répandre dans le monde entier tout en conservant son appellation orientale. (Cela pour dire que le shanghayage n’est pas une exclusivité asiatique).
• Pour faire face à une pénurie sévère de marins, les capitaines longs-courriers s’adressent parfois à des marchands d’hommes (joli nom !) capables de compléter leur équipage. Peu à peu, la demande aidant, les moins scrupuleux transforment leurs agences de placement en véritables gangs qui vont, coûte que coûte, trouver des hommes à embarquer ; ils ne lésinent pas sur les moyens. Leurs victimes, (le mot n’est pas trop fort) ne sont ni des professionnels, ni même des marins, mais de pauvres hères (ou des malchanceux) ramassés au hasard des quais lors de tournées nocturnes et persuasives ; ces gens sont racolés, enivrés, battus à l’occasion et finalement embarqués semi conscients sur un navire en partance ; ils se réveilleront au large, lorsque toute fuite sera impossible. Ils auront été shanghayés.
• La plupart de ces engagés d’office n’a aucune qualification ; les auteurs maritimes citent des artisans, fonctionnaires, chômeurs, négociants, policiers (!) et même un ecclésiastique en soutane… On apprend que sur les 56 matelots du capitaine Waterman, trois sont brevetés, tous les autres n’ont jamais mis le pied sur un bateau… Pire, il est dit qu’un capitaine s’est retrouvé simple matelot sur un bâtiment qui n’était pas le sien ! Shanghayé, bien sûr.
• Modérons notre indignation. Pour odieux qu’il soit, le shanghayage ne fait que reprendre, à titre privé, les anciennes pratiques de l’État pour armer ses vaisseaux de guerre. Au cours du XVIIᵉ siècle, le recrutement pour la marine (qui manque de matelots) recourt à la manière forte ; il se fait par le système de «  la presse « . Celui-ci consiste à fermer un port, (le boucler) et à embarquer de gré ou de force les malheureux qui s’y font prendre. Le petit peuple des quais en souffre beaucoup, comme les paysans malchanceux qui, ce jour-là, étaient en ville pour la foire aux bestiaux… Au cours du siècle il y eut plusieurs années de presse, plus ou moins intenses, mais les historiens évoquent comme la pire la  » grande presse  » de 1672 où tous les ports furent fermés en même temps ! Il fallut que Monsieur de Colbert se fâchât tout rouge pour qu’un autre système, plus humain, (l’Inscription maritime) remplace l’ignoble presse qui n’est rien d’autre qu’une rafle, de sinistre mémoire…
Aramis
• Image – Rien ne dit que ce beau trois-mâts ait pratiqué le shanghayage… Il n’est là que pour le fun… (Collection Escales Maritimes)

5 Réponses to “Comme quoi, n’importe qui pouvait être marin…”


  1. 1 COKELUNDE 18 novembre 2013 à 13:19

    shanghayage = esclavage !
    malheureusement ça existe toujours sous des noms et des formes diverses dans beaucoup trop de pays.

    JP L

  2. 2 de Cayeux 18 novembre 2013 à 14:32

    Le Capîtaine Lacroix; rencontré à la Bernerie en 1956, me racontait que les voiliers sortant de Nantes mouillaient à la bouée des charpentiers pour permettre aux nouveaux embarqués, de force, de retrouver des « idées claires » avant de pouvoir appareiller.

    De ce mouillage aucun n’était capable de regagner la terre !

  3. 3 Jean-Ftançois Mury 18 novembre 2013 à 20:44

     » Le Shangayai » Un excellent roman à lire à ce sujet !!!

  4. 4 fausto viader 19 novembre 2013 à 22:19

    « Un coq shangaïé un soir de folie
    A pris mon avenir de même qu’un cadeau… »


  1. 1 http://www.getforeverrecovery.com Rétrolien sur 14 juin 2014 à 14:59

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